En Suisse, en 2003, 89 personnes sont mortes des suites d’une noyade.
En France, chaque année, ce sont environ 1700 personnes qui décèdent par immersion. C’est une des principales causes de mortalité chez l’enfant de moins de 15 ans et c’est la première chez l’enfant de moins de 4 ans. Elle concerne plus fréquemment les garçons que les filles.
Mais qu’est-ce que la noyade ?
Par définition la noyade est un accident de type asphyxique aigu provoqué par l’inondation des voies respiratoires suite à une immersion ou une submersion.
On distingue la noyade dite primaire, de la noyade dite secondaire. De même, on fait une distinction entre la noyade en eau
douce (lacs, piscines, rivières) de la noyade en eau de mer. Une victime d’une avalanche de neige poudreuse présentera aussi des symptômes de noyade.
Par noyade primaire on entend que l'inondation des voies respiratoires se fait AVANT la perte de connaissance et l’arrêt respiratoire. Elle se produit dans les cas où :
une personne ne sachant pas nager tombe dans l’eau puis coule par insuffisance technique après s’être débattue dans une lutte intense pour la vie.
un nageur expérimenté a dépassé ses possibilités et se noie après épuisement. Cette situation est favorisée par du « clapot ».
Dans ces cas, la victime « boit la tasse ». Une partie de l’eau est avalée, l’autre partie passe dans les poumons et provoque une asphyxie progressive, immédiatement irréversible, dont l’état terminal est une syncope anoxique (manque d’oxygène). Le noyé sera dit « bleu ».
Par noyade secondaire on entend que l'inondation des voies respiratoires se fait APRES la perte de connaissance et l’arrêt respiratoire. L’inondation est soit active (reprise sous l’eau des mouvements respiratoires), soit passive (par infiltration, la victime coule). Elle se produit dans les cas où :
une personne qui est exposée au soleil depuis de nombreuses minutes, voire plusieurs heures décide, pour se rafraîchir, de sauter spontanément dans l’eau. La différence de température, entre la surface de son corps et l’eau, est telle qu’il se produit un choc appelé choc thermo-différenciel. Il s’explique par le fait que lorsque le corps est exposé durablement au soleil, la température cutanée est telle qu’une importante quantité de sang se trouve à la périphérie pour assurer la constance thermique de l’organisme. En entrant dans l’eau sans précaution, toute cette masse sanguine est refoulée au centre par un réflexe de vasoconstriction. Ce choc est suffisant pour provoquer une syncope. C’est vraiment la grande différence de température entre la température cutanée et celle de l’eau qui est responsable de ce choc. Ce type de syncope ne se produit pas tôt le matin, le soir, par temps couvert ou en fin d’été mais seulement en périodes chaudes. Le même type de syncope peut se produire lorsque à l’inverse on prend un bain très chaud.
une personne qui se trouve en période de digestion ou sous l’emprise de l’alcool et qui entre dans l’eau de façon brutale peut être semblablement victime du même genre de syncope. Là aussi, par
vasoconstriction la masse sanguine périphérique est violemment ramenée au centre de l’organisme.
C’est aussi l’écart de température qui est en cause et la brutalité est d’autant
plus grande que l’écart est grand (repas riche en calories et fatigue).
une personne qui plonge dans un plan d’eau sans pouvoir apprécier la profondeur et percute le fond ou un obstacle. La violence du traumatisme au niveau de la tête, du ventre ou encore des parties génitales est telle qu’elle peut provoquer une perte de connaissance.
une personne qui entre dans l’eau perd connaissance par réaction allergique au froid (urticaire au froid) ou aux algues et plancton (hydroallergie)
une personne pratique une hyperventilation dans le but de parcourir sous l’eau la distance la plus longue possible peut perdre connaissance parce que l’hyperventilation n’augmente pas notablement le taux d’oxygène mais abaisse la teneur en gaz carbonique. Ceci a pour conséquence qu’elle sera en déficit d’oxygène (anoxie) avant que le signal d’alarme de reprise de la respiration ne soit donné par le taux de gaz carbonique.
Dans tous ces cas, la victime perd connaissance AVANT que le processus de la noyade ne s’engage. C’est la reprise sous l’eau des mouvements respiratoires qui provoque la noyade ou l’entrée passive de l’eau dans les poumons par dépression pulmonaire, la victime sombre. Le noyé sera dit « blanc ».
Maintenant que nous avons vu les principales causes qui peuvent conduire à une noyade nous allons voir comment celle-ci se développe, du simple incident à la tragédie qui peut dépendre de la rapidité d’intervention du sauveteur.
Première phase | Deuxième phase | Troisième phase |
Il y a une apnée réflexe dès que la tête est immergée. Sa durée est de quelques secondes à 2 minutes, suivant l’effort fourni préalablement. Il y a perte de connaissance et un arrêt cardiaque est possible. |
Il y a une reprise respiratoire, caractérisée par quelques inspirations rapides. C’est le temps de noyade, de l’irruption de l’eau dans les poumons par aspiration. Cette phase dure généralement 3 minutes. |
L’arrêt respiratoire est complet, la victime sombre vers le fond. S‘installera ensuite un état de mort apparente, le cœur bat encore. Puis suivra un état de mort clinique, il y a fibrillation ou arrêt cardiaque (le cœur continue de battre 4 à 10 minutes après l’arrêt respiratoire), finalement, un état de mort réelle, l’arrêt cardiaque est irréversible et le manque d’oxygène au plan cérébral est aigu. |
Mort apparente | Mort clinique | Mort réelle |
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Tout ce processus est rapide dans le temps et les conséquences importantes.
Il est nécessaire de bien comprendre que le cerveau est constitué de
cellules (les neurones) qui ne supportent pas d’être sous-oxygénées même brièvement. Que le cerveau représente seulement le
2% de la masse corporelle normale mais consomme les 20% de l’oxygène apportés par la respiration. Il est donc la cible principale de cette asphyxie.
Les chances de survie à la noyade sont faibles, le tableau ci-dessous en donne un aperçu significatif.
Durée de la submersion | % de récupération |
1 mn 3 mn 6 mn 8 mn |
95% 75% 25% <3% |
Ces valeurs ne sont pas absolues, la température de l’eau est à considérer.
Dans l’eau froide les chances de survie sont légèrement majorées parce que l’abaissement de la température du corps préserve le cerveau pour une durée un peu plus
grande (maximum 30 mn - hypothermie).
L’organisme ne répond pas de la même façon lors d’une noyade en eau douce ou en eau de mer, même si les gestes du prompt secours sont semblables. Les différences proviennent de l’absence de
sel (NaCl) dans l’eau douce.
Milieu | Eau douce | Sang | Eau de mer |
Concentration en sel | 0 g./l | 9 g./l | ~33 g./l |
Selon le principe de l’osmose qui dit qu’une solution moins concentrée en sel, séparée d’une solution plus concentrée par une membrane semi-perméable, traversera la membrane pour diluer la solution la plus concentrée jusqu’à l’équilibre des concentrations,
l’eau douce traversera la paroi alvéolaire pour diluer le sang. Cela entraîne des complications sévères dont principalement :
une augmentation de la masse sanguine (hémodilution)
une destruction des globules rouges (transporteurs de l’oxygène)
une libération de leur potassium dans le plasma (fibrillation cardiaque)
un lessivage du surfactant (le surfactant est un liquide qui tapisse l’intérieur du poumon et facilite son travail). Les difficultés respiratoires sont augmentées, c’est cette complication qui justifie la technique du bouche à nez sur n’importe quelle autre méthode de ranimation)
Lors de la noyade en eau de mer les conséquences sont principalement :
une diminution du volume sanguin (hémoconcentration)
un œdème aigu du poumon
un encombrement pulmonaire (à l’eau de mer présente s’associe le sérum qui vient la diluer)
une inefficacité cardiaque progressive
un lessivage du surfactant
Cliniquement, la noyade en eau douce est dans l’ensemble trois fois plus sévère qu’en eau de mer par les complications pathologiques qu’elle crée. A cela seront toujours associés des troubles infectieux, en piscine, la présence de chlore et divers désinfectants et la pollution de l’eau en général.
Ci-dessous le schéma physiopathologique des noyades en eau douce et eau
de mer.
EAU DOUCE | EAU DE MER |
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RÉSULTAT | |
- Fibrillation
ventriculaire - Hémodilution - Hypervolémie - Hémolyse - Hyponatrémie |
-
Hémoconcentration - Hypovolémie - Hypoprotéinémie - Hypernatrémie |
La noyade étant un accident il faut donc lui accorder la notion d’inattendu, d’imprévisible. Toutefois, il est possible et nécessaire d’en réduire les risques d’apparition. Plusieurs mesures sont à prendre :
Apprendre à nager et connaître ses limites
Éviter de sauter dans l’eau brusquement, procéder toujours à une mise à l’eau progressive
Après un repas copieux et arrosé s’accorder un délai d’au moins 2 heures avant de se mettre à l’eau en respectant une mise à l’eau progressive
En cas de fatigue, réduire le temps de baignade
Se méfier de l’eau froide et sortir dès les premiers frissons
Ne pas plonger dans une zone dont on ne connaît pas les caractéristiques
Ne pas nager en direction du large mais plutôt parallèlement à la rive
Faire preuve de prudence et ne pas laisser les enfants sans surveillance
Dans tous les cas, faire preuve de bon sens et se souvenir que dans l’eau on se trouve dans un environnement qui n’est pas le nôtre, qu’il a ses propres lois et que physiologiquement nous ne sommes pas adaptés à la vie aquatique. Nous sommes des « terriens ».
PROMPT SECOURS
Pour le sauveteur, d’abord s’assurer être capable de pouvoir exécuter le sauvetage et ne pas hésiter à s’équiper d’une paire de palmes pour réduire les efforts qu’imposent un sauvetage. Un faux héroïsme peut faire 2 victimes.
Dans tous les cas, sortir le noyé le plus rapidement possible, toutes les secondes comptent et
donner l’alerte immédiatement.
Pratiquer la ranimation sans arrêt, elle ne peut être interrompue qu’en cas de mort certaine. Si la respiration se remet en route, donner immédiatement de l’oxygène au masque avec un débit de 15 l./mn et
garder sous surveillance constante. Puis acheminer le plus rapidement possible en milieu hospitalier,
seul capable de traiter les complications dues à la noyade au moyen des services
spécialisés (ambulance, pompiers) qui assurent un transport médicalisé.
Dès que c’est possible, commencer
une ranimation par bouche à nez, dans l’eau déjà en ayant pied ou à une échelle et sur terre ferme après avoir positionné la victime de façon adéquate, si nécessaire, un massage cardiaque
externe (à ne faire que par des personnes instruites pour cela, connaissant les gestes qui sauvent).
Remarque
Les noyades spécifiques à la plongée libre et en scaphandre ne sont pas traitées ici.
Glossaire SISL des
termes médicaux concernant la noyade
Bibliographie
« La noyade en surface et en plongée » des Dr P.-L. Servettaz et J. Tailleur
« Echec à la noyade » brochure de la SSS/SLRG